Documentation historique et archéologique sur l’Ancienne Abbaye de Montheron :
Brève présentation de l’abbaye de Montheron
L’actuelle église de Montheron est édifiée sur les restes d’une abbaye du Xlle siècle, supprimée en 1536 lors de la Réforme et dont certaines infrastructures sont accessibles. Devant l’église, le tracé de l’implantation de l’abbatiale romane disparue est matérialisé par des pavés.
Pour bien comprendre ce qu’a été l’abbaye de Montheron, il faut remonter dans le temps, bien au-delà du Xlle siècle.
Né en Thébaïde en Haute Egypte, dès le début du IVe siècle, le monachisme s’est rapidement répandu en Occident. Marmoutier (près de Tours), Lérins (près de Cannes), Ligugé (près de Poitiers) remontent au début du Ve siècle. Chez nous, ce sont Romainmôtier vers 450 et St-Maurice, le 22 septembre 515.
Les moines suivent une règle de vie rigoureuse. En Occident, dès le VIe siècle, la règle de saint Benoît de Nursie ( 450-543) remplace petit à petit toutes les autres. Charlemagne l’imposera dans tout son empire. Après les scandales qui ébranlèrent l’Eglise aux IXe et Xe siècles, un retour à une règle plus stricte se fait sentir. Ce sera le rôle de l’abbaye de Cluny, fondée en 910. Elle acquiert rapidement une réputation exceptionnelle due à son exemple et à la valeur remarquable de ses abbés. Cluny fonde de nombreux monastères (abbayes et prieurés), réforme nombre d’abbayes qui se placent sous sa juridiction. Dès le milieu du Xle siècle, l’ordre de Cluny fédère des milliers de monastères.
Mais la renommée et la richesse entraînent un affaiblissement de la discipline. C’est alors que l’abbé Robert quitte Molesme qu’il avait créée et fonde en 1098, le «Nouveau Monastère» qui prendra ultérieurement le nom de Cìteaux, celui du lieu où il fut implanté, pour revenir à la pureté de la règle de saint Benoît. Après des débuts difficiles, Cîteaux connut un développement fulgurant, avec l’arrivée, en 1112, de Bernard de Fontaines, accompagné de nombreux amis et parents. Trois ans plus tard, Bernard se remit en route pour fonder Clairvaux, la première filiale de Cîteaux, dont il devint l’abbé et lui vaudra dorénavant le nom de saint Bernard de Clairvaux. En effet, dès qu’une abbaye abrite un nombre trop élevé de moines, elle essaime et fonde une abbaye «fille» dont elle garde la responsabilité, et ainsi de suite. En un siècle, plus d’un millier d’abbayes, affiliées à la maison mère de Cîteaux, constituent l’ordre cistercien, le plus important après celui de Cluny.
Montheron est l’une de ces abbayes. Cîteaux a fondé Morimond, Morimond fonde Bellevaux (près de Vesoul), Bellevaux fonde à son tour six abbayes-filles, dont Montheron, avant 1129. Montheron est donc une arrière petite-fille de Cîteaux. Il ne s’est écoulé que 31 ans entre la fondation de la maison mère et celle de Montheron.
Des recherches archéologiques, conduites en 1911 puis en 1928-30 et en 1975-76 ont fourni des informations suffisantes pour qu’il soit possible de dire ce qu’était l’abbaye de Montheron, installée dans son site actuel à partir de 1142, après une première érection, quelques kilomètres plus à l’est, non loin du couvent de Sainte-Catherine, dans le vallon de Pierre Ozaire.
On accédait à l’abbaye par la route menant de Lausanne à Dommartin par Cugy. traversant la Thela (ancien nom du Talent) à cet endroit. Les bâtiments barraient le fond du vallon, entre la falaise rocheuse au nord et le Talent. Selon la tradition bénédictine et surtout cistercienne, l’abbaye est organisée autour du cloître, cour carrée entourée de galeries couvertes. L’église est au nord, orientée est-sud-est. D’une longueur de 37 m, elle comportait une nef de trois travées avec bas-cotés (largeur 18 m), suivie d’un transept saillant (longueur 28 m) sur lequel s’ouvraient le sanctuaire et son abside, accompagné sur chaque bras du transept de deux absidioles. Abside et ses quatre absidioles étaient de plan semi-circulaire, ce qui n’obéit pas au plan-type usuel des édifices cisterciens, mais n’est pas non plus un cas unique. L’église abbatiale de Flaran (Gers, France-1180-1220), encore existante, permet de se faire une bonne image de ce que devait être le chevet de Montheron. Les piles de la nef étaient formées d’un massif carré sur lequel étaient engagées quatre demi-colonnes sur dosseret. On ignore si les voûtes romanes étaient des voûtes en berceau ou des voûtes d’arêtes.
Le cloître, de 28,5 m de côté (préau 20 x 20 m), était entouré sur les trois autres côtés par les bâtiments conventuels, selon l’usage habituel, avec dans l’aile Est, la sacristie B, l’armarium (bibliothèque) C, la salle capitulaire D et la salle des moines Q. Le dortoir des moines était aménagé à l’étage, accessible directement depuis l’église par un escalier. L’aile sud devait comprendre, entre deux corridors N et S le réfectoire I, et la cuisine O. Enfin le bâtiment ouest K-L était réservé aux celliers au niveau inférieur et au logement des convers à l’étage. Dans l’angle nord-est du cloître, une porte permettait de passer du cloître à l’église.
Normalement, le cimetière des moines aurait dû s’étendre au nord de l’église. La proximité de la falaise rocheuse ne le permettant pas, il a été établi à l’est du chevet. En outre, un certain nombre de sépultures ont été creusées dans les galeries du cloître et même dans l‘église ou dans les chapelles attenantes.
Un texte mentionne la porte de l’église en 1154. On peut donc dater la construction de l’ensemble entre 1142 et 1154. Il est, par conséquent, antérieur d’une cinquantaine d’années à l’actuelle cathédrale de Lausanne.
La communauté monastique était peu nombreuse (14 moines en 1340); on ne sait pratiquement rien de leur existence qui s’est déroulée sans événements marquants ayant laissé trace dans l’histoire. L’abbaye était propriétaire d’une partie du vignoble du Dézaley, donné par l’’évêque Girard de Faucigny, son fondateur, mort en 1129.
On peut imaginer, mais sans témoignage écrit, une visite probable de saint Bernard et du pape Eugène III, venus tous deux à Lausanne du 14 au 20 mai 1148, reçus par l’évêque Amédée de Clermont-Hauterive, lui même moine cistercien et fondateur de la cathédrale gothique actuelle.
A la fin du XVe siècle, un gros incendie a détruit presque complètement l’abbaye et son église. La reconstruction s’est faite en conservant le même plan, en récupérant les pans de murs encore debout et en rétablissant les dispositions antérieures.
L’église, dont les murs avaient sans doute subsisté,, fut probablement couverte de voûtes d’ogives. L’un des piliers, le deuxième du côté nord, a été reconstruit entièrement. Entre le XVe siècle et le début du XVIe siècle, deux chapelles furent érigées, l’une (E) dans l’angle formé par la nef et le croisillon nord du transept, l‘autre (F), adossée à la paroi Est de la salle capitulaire, reçut une sépulture, probablement celle de l’abbé François de Colombier († 1508), dont on a conservé une bonne partie de la dalle funéraire. On ne sait pas grand chose de la reconstruction des autres bâtiments, ceux-ci ayant disparu ultérieurement.
La fin du XVe siècle et le début du XVle siècle correspondent à la période de la commende: les abbés titulaires ne résident plus à l’abbaye, ce qui va en provoquer la dégénérescence. Le dernier abbé commendataire de Montheron a été le cardinal Jean (Giovanni) Salviati, connu pour son rôle important dans l’histoire de l’Eglise, qui faillit même être nommé pape en 1549.Il n’est sans doute jamais venu à Montheron.
Lors de la Réforme, en 1536, une partie des moines adoptèrent la foi nouvelle et l’un d’eux, Antoine Gilliard, devint même le premier pasteur de la jeune paroisse: l’église devint temple réformé, malgré son état lamentable. En 1590, elle fut abandonnée et démolie. Les fidèles se réunirent dorénavant dans l’ancienne salle capitulaire qui reçut, pour l’occasion, de nouvelles fenêtres de style gothique, remplaçant les anciennes ouvertures donnant accès au cloître, lui aussi détruit.
En 1668, jugée trop humide, cette salle fut à son tour abandonnée, en partie comblée et le lieu de culte installé à l’étage, dans ce qui restait du dortoir des moines, devenu grenier. Les murs latéraux furent partiellement remontés tandis qu’une nouvelle paroi fermait le temple du côté sud.
Enfin, entre 1776 et 1778, le temple, trop exigu, fut agrandi vers le nord, sur l’emplacement de la travée sud du transept de l’église romane, avec une nouvelle façade dotée d’un clocheton. (Cette église, celle d’aujourd’hui, est mise en évidence sur le plan annexé.)
En 1911, les premières fouilles ont mis à jour une petite partie de l’abbatiale romane dont on ignorait jusque-là l’emplacement exact. D’autres travaux, en 1928-30, ont dégagé les restes de la salle capitulaire, entraînant l’exhaussement du plancher de l’église, tandis qu’en 1997, le tracé de l’église romane, reconnu par les fouilles de 1975-76, a été mis en évidence par un pavage sur la chaussée. D’importants travaux, exécutés de 2005 à 2007, ont permis de consolider et d’assainir le bâtiment, de réaménager l’intérieur du temple en redonnant à la chaire du pasteur Davel un emplacement plus approprié, sans parler de l’installation d’un nouvel orgue mécanique de 17 jeux, remplaçant avantageusement l’ancien instrument pneumatique de 1931, devenu injouable. Une bonne partie de l’abbaye de Montheron reste encore à écrire et nous réservera sans doute bien des surprises, si l’on sait que les archives, tant lausannoises que cantonales, conservent plus de 1000 documents dont l’étude reste à faire et qu’une grande partie des vestiges archéologiques n’ont encore jamais été fouillés.
Février 2008 Pierre Margot et Pierre Golaz
Abbaye de Montheron et AAAM
Qu’est-ce que l’AAAM?
Derrière ce sigle, œuvre depuis 1993 l’Association des Amis de l’Abbaye de Montheron, fondée par Willy Chevalley (†2006) et Daniel Thomas et quelques-uns de leurs amis, sensibles à la poésie de ce lieu pittoresque. Aujourd’hui présidée par D. Thomas, carillonneur et organiste, l’AAAM est responsable de l’animation culturelle de l’ancienne abbaye. Elle contribue à faire connaître, depuis ses origines, les 860 ans de vie, intégrée à l’histoire vaudoise. Avec la Ville, elle a participé à la pose, à l’entrée de l’église, du fac similé du plus ancien document lausannois, une charte de l’évêque Guy de Maligny, datée de 1142, accordant des terres et sa protection à l’abbaye de la Grâce-Dieu, celle qui deviendra plus tard Montheron. En 1997, c’est le marquage, par des pavés, du tracé de l’ancienne abbatiale Notre-Dame. En 2006, inauguration du nouvel orgue construit par l’organier français Denis Londe. En 2007, toujours avec la collaboration de la Ville, la parution d’un petit ouvrage d’une centaine de pages, abondamment illustré, a marqué la fin des travaux, tout en permettant à un large public d’en savoir un peu plus sur l’histoire encore peu connue de notre abbaye. Il est encore trop tôt pour dévoiler les projets à discuter avec les organismes communaux compétents, en particulier le réaménagement de la salle capitulaire, sous le temple actuel.
Les très nombreux visiteurs et particulièrement les mélomanes ont pu découvrir l’excellente acoustique de l’église, à l’occasion d’un grand nombre de concerts (plus de soixante à ce jour), donnés par des artistes du monde entier, aussi bien des Philippines, de Cuba ou de Saint-Petersbourg ou tout simplement de nos régions. L’installation, en 1997, d’un petit orgue positif Sumiswald et surtout, en 2006, celle du nouvel orgue, ont permis d’accroître encore l’éventail musical. D’autre part, l’AAAM a mis sur pied quelques expositions présentant tantôt les œuvres de différents artistes, peintres, aquarellistes ou céramistes, tantôt la vie et l’œuvre de saint Bernard de Clairvaux et l’ordre cistercien. Chaque année, en septembre, elle a organisé, lorsque cela a été possible, une prière œcuménique dans la chapelle de la grange vigneronne du Clos des Moines, au Dézaley.
Une brochure illustrée annuelle présente le calendrier des manifestations, concerts et expositions, ainsi qu‘un ou plusieurs articles concernant un aspect particulier de la vie de l‘abbaye. Elle peut être obtenue gratuitement auprès de l’AAAM ainsi qu’à l’entrée de l’église. Membre de la Charte européenne des abbayes et sites cisterciens, l’AAAM permet à chacun de faire connaissance avec l’abbaye de Montheron, lieu de détente, d’accueil, de culture et de spiritualité.
Le Comité de l’AAAM
La charte de 1142, de donations et fondations
L’Association des Amis de l’Abbaye de Montheron est membre de
la Charte européenne
des abbayes et sites cisterciens.
Livre explicatif:
Livre «Abbaye de Montheron, 1142 – restaurée et inaugurée en 2006».
L’abbaye cistercienne en France.